Quel premier conseil donner à une personne qui souhaite se lancer comme indépendant ?
Bertrand Moine : La raison d’être d’un travailleur indépendant, c’est de proposer son expertise sur le marché des prestations de services. La première étape va donc consister à l’identifier et à fixer ses tarifs. C’est une réflexion assez naturelle, car cette expertise découle directement de sa vie de salarié. Le spectre s’est considérablement élargi ces dernières années avec l’essor du digital. Développeur informatique, concepteur-rédacteur, photographe, vidéaste, consultant en stratégie, community manager, data scientist… sont autant de métiers qui s’exercent aujourd’hui en freelance. La question de faire appel à des indépendants ne fait désormais plus débat. C’est un statut admis et facilité. Cela ouvre donc de nombreuses opportunités sur le plan professionnel.
Au moment de la création de son activité, le choix du statut est fondamental. Quel est votre avis sur la micro-entreprise et le portage salarial ?
B. M. : Le statut de la micro-entreprise est de prime abord séduisant. Sur le plan administratif, les démarches sont simples, rapides et accessibles, que ce soit au moment de la création de son entreprise ou du pilotage au quotidien. Les charges sociales sont faibles, aux alentours de 22 % (chiffres 2022). Mais attention aux coûts cachés, liés à l’absence de prévoyance ou de droit au chômage ou aux congés.
À la frontière du salariat et de l’entreprenariat, le portage salarial offre davantage de sécurité. L’indépendant va passer par le biais d’une société de portage pour facturer ses clients, qui, moyennant des frais de gestion, va lui reverser un salaire. Il va ainsi pouvoir piloter librement son activité et fixer ses tarifs, tout en bénéficiant d’une couverture sociale liée à son statut de salarié.
« La raison d’être de l’indépendant, c’est de proposer une expertise »
Il faut ensuite sortir de chez soi, pour aller proposer sa compétence à des clients…
B. M. : Effectivement. Il faut rapidement partir prospecter des entreprises. Mobiliser son réseau professionnel est le meilleur moyen de décrocher des missions. Vous pouvez aussi proposer vos services en envoyant des e-mails à des contacts ciblés ou encore passer par des plateformes de mise en relation dédiées aux freelances comme Digital Village, One Man Support ou Malt. Il en existe désormais pour tous les métiers. Ce sont de gros apporteurs d’affaires. Ils sont aussi riches en enseignements sur les tarifs auxquels proposer vos prestations.
Attention toutefois à ne pas « mettre tous ses œufs dans le même panier » en ayant un seul gros client. Pour pérenniser son activité, il est préférable, d’en avoir toujours plusieurs en portefeuille. À ce titre, il est important d’établir un « business plan » pour définir les contours de son projet entrepreneurial. Cela permettra de vous fixer un cap et d’identifier les volumes d’affaires nécessaires pour rendre votre activité viable. Développement commercial, juridique, comptabilité, fiscalité… on ne peut pas non plus tout faire tout seul. Il est important de savoir déléguer pour se concentrer pleinement sur son cœur d’expertise.
Travailler en indépendant exige-t-il un état d’esprit particulier ?
B. M. : Au-delà de ses compétences, de son expertise, il faut effectivement se demander s’il on est vraiment fait pour la vie de freelance. Bien sûr que ce mode de travail apporte une certaine liberté. Mais attention, cela demande énormément de rigueur et d’autodiscipline au quotidien. Il faut être capable de « s’auto-encadrer », de se fixer des règles de travail et de les respecter. Impossible de procrastiner, de remettre ce qu’on à faire au lendemain. Un indépendant doit toujours être à l’affût de nouvelles missions. Vous devez en permanence trouver de nouveaux clients, vous former en continu pour rester à la page et savoir mener de front plusieurs projets en même temps. À vous de voir, si ce type d’activités est aussi conciliable avec votre vie de famille. Avant de vous engager dans cette voie, il est préférable de bien mesurer le pour et le contre, et faire ses choix en conscience.
Plus de 4 millions : c’est le nombre de personnes travaillant en indépendant en France
Source : Insee 2022.
Le saviez-vous ?
Sous certaines conditions, il est possible de continuer à percevoir l’ARE (Allocation d’aide au Retour à l’Emploi) en même temps que la rémunération issue de son activité́ créée ou reprise (salariée ou non). L’allocation mensuelle est alors diminuée de 70 % de la rémunération ou du revenu déclaré au titre des assurances sociales. Pour plus d’information, n’hésitez pas à vous rapprocher de votre conseiller France Travail.
Le freelancing, une piste à creuser pour les seniors ?
Vous avez plus de 50 ans ? Avez-vous pensé à poursuivre votre carrière en freelance ? Par votre expérience, vous avez peut-être développé une ou plusieurs expertises ? Pourquoi ne pas les transmettre en tant que coach, formateur ou mentor ? Il y a une vraie carte à jouer, dans de nombreuses entreprises en recherche de profils expérimentés, pour les aider à transmettre les savoir-faire à leurs jeunes talents.
* Tout le monde rêve d’être indépendant. Le guide des freelances, slasheurs, auto-entrepreneurs, Bertrand Moine et Romain Arnol, éditions Vuibert, 2020.
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