Quel est votre métier ?
Jeanne Goater : Je suis cheffe de rang. Un rang est un espace bien défini, où l’on a la charge de ses tables, allant de 20 à 50 couverts. Un ou une chef de rang gère cet espace de A à Z pendant toute la durée du service. De A à Z, c’est-à-dire de l’installation au départ du client. Il faut l’installer, prendre la réservation, l’accueillir, lui présenter les menus, prendre sa commande, faire le déroulé du service, voir si tout va bien, faire du relationnel, l’encaisser, le raccompagner et lui souhaiter une belle journée ! En tant que chef de rang, c’est comme si je gérais un petit restaurant à l’intérieur du restaurant !
Comment avez-vous eu envie de vous orienter vers l’hôtellerie-restauration ?
J. G. : Au départ, j’aimais bien la cuisine, cela m’intéressait... Le service en salle est un métier avec beaucoup de contacts humains, aussi il faut être quelqu’un de relativement jovial, et être poli. Quand j’ai découvert le service, c’est quelque chose qui m’a beaucoup plu par son côté dynamique mais aussi son côté relationnel. J’ai été étonnamment surprise, dans le bon sens !
Quelles études avez-vous suivies pour pouvoir exercer votre métier ?
J.G. : J’ai obtenu un Bac technologique Sciences et technologies de l'hôtellerie et de la restauration (STHR) dans un lycée hôtelier. C’est le seul bac technologique qui existe en restauration. Il permet de rester dans une filière technologique, où on enseigne des matières générales (de la gestion, des mathématiques, du français…) et qui permet de toucher à tout : cuisine, service, hôtellerie. Cela peut être intéressant pour découvrir ce métier. C’est très général et c’est idéal pour avoir un regard global sur tous les métiers de la restauration, au sens large du terme. On travaille aussi beaucoup sur la gestion, l’entreprenariat, le management, etc. C’est une filière dont le but est davantage orienté vers le management que des filières professionnelles, comme le Bac pro Commercialisation et services en restauration ou le Bac pro cuisine, qui sont à vocation plus appliquée.
« C’est un métier accessible à tout le monde si on la motivation, la forme physique, l’énergie et que l’on maîtrise les codes. »
Quel est le niveau requis pour suivre cette formation ?
J. G. : Je suis entrée au lycée hôtelier à la suite du collège. La continuité du bac STHR est le BTS MHR, management de l’hôtellerie restauration. Ce BTS en deux ans est accessible directement avec le Bac STHR ou avec les bacs généraux et technologiques, avec un an de mise à niveau pour les matières pratiques. Le BTS est également proposé dans les lycées hôteliers.
Il existe des formations qui permettent de voir les bases, la théorie, mais je n’ai pas eu besoin de suivre des formations pour faire ce métier, car c’est vraiment dans la pratique que l’on apprend. Il suffit d’avoir envie, la motivation d’apprendre et de se perfectionner pour réussir. C’est un métier accessible à tout le monde si on la motivation, la forme physique, l’énergie et que l’on maîtrise les codes. À ces conditions, n’importe qui peut faire une belle carrière !
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Comment êtes-vous entrée au Piccadilly, la brasserie rennaise qui vous emploie ?
J. G. : J’avais fait mon premier stage au Piccadilly il y a cinq ans au cours de ma formation. Ensuite, ils m’ont embauchée régulièrement en « extra », pendant les week-ends et les vacances scolaires. Puis j’ai fait deux saisons d’été à plein temps au Piccadilly avant de partir en saison six mois à la mer et six mois à la montagne pour découvrir d’autres entreprises dans le milieu de la restauration. Je suis embauchée depuis un an et demi en CDI à plein temps comme cheffe de rang.
Comment se déroule une journée de travail type ?
J. G. : Je travaille toujours « en coupure », c’est-à-dire que je fais le service de midi et du soir, avec une coupure d’environ deux ou trois heures l’après-midi. Ma journée démarre à 11 h 30 avec la prise de poste, pour vérifier tous les détails avant le début du service à midi pile. À 15 h je termine mon rang, je remets tout au propre, je finalise quelques petites choses pour le soir et je reviens à 18 h 30 pour faire la même chose le soir. L’après-midi, je rentre chez moi pendant trois ou quatre heures.
Au Piccadilly, il faut compter une centaine de couverts pour un service standard, et cela peut aller jusqu’à 200 couverts. La brasserie est ouverte en continu, mais pas pour la restauration. J’ai des collègues qui font des horaires en continu, de 15 h à la fermeture, par exemple. Quand on est chef de rang, on sait que l’on doit être présent pour les services du midi et du soir, et qu’il est important de rentrer chez soi l’après-midi pour se reposer ou faire autre chose entre les deux services.
Ce sont des grosses journées, de 11 h 23 h. Ce sont les contraintes du métier et ce n’est pas l’aspect le plus attrayant...
La coupure est de plus en plus débattue en restauration, pour essayer de faire des journées en continu, avec deux équipes (8 h-18 h et 15 h-24 h). Beaucoup d’employeurs essaient de proposer ce type d’offres d’emploi, car quand on habite dans des grandes villes et loin du restaurant, c’est de plus en plus difficile. Moi j’habite à trois minutes du restaurant, alors cela ne m’embête pas !
Quel est votre rôle au sein de l’équipe du Piccadilly ?
J. G. : Au Piccadilly, notre équipe de 13 à 14 personnes compte trois à quatre chefs de rang, trois à quatre barmen, deux à trois limonadiers et les « runners » (commis de salle), des étudiants que l’on prend en « extra » ou sur les week-ends et qui viennent nous dépanner pour des services. En tant que chef de rang, c’est moi qui prend la commande, veille à ce que tout se passe bien, fait le service du vin, vend du vin ou des produits annexes…
Quelles sont les perspectives d’évolution dans le secteur de la restauration ?
J.G. : Tout dépend des entreprises. Il faut être dans des entreprises à échelle humaine si on veut évoluer dans ce milieu à assez court terme. Dans les structures plus importantes, on n’atteint les postes à responsabilités qu’à l’âge de 40 ou 50 ans. En revanche, dans les grands groupes de l’hôtellerie-restauration, comme Accor ou autres, les évolutions de carrière peuvent être plus rapides. Je pourrais devenir maître d’hôtel - la personne qui s’occupe du placement des clients, du plan de salle ou de suivre le cours du service -, ou devenir adjointe responsable de salle. Je pourrais aussi évoluer vers la sommellerie, en acquérant de nouvelles connaissances et en me formant davantage pour pouvoir me tourner vers les métiers du vin.
En termes de responsabilités fonctionnelles, c’est toutefois l’expérience qui permet d’évoluer dans son métier. Par exemple, on me charge de temps en temps de faire les caisses, d’aller à la banque, de gérer les remises en espèces, les réservations ou la programmation informatique des logiciels de commande… Quand mon responsable est en vacances ou le dimanche, je suis chargée de gérer l’accueil, faire l’ouverture et la fermeture de l’établissement et d’assumer les caisses pour que les comptes soient justes.
« Pour être chef de rang, il faut être dynamique, perspicace, travailleur et ne pas rechigner à la tâche, car c’est quand même un métier physique. »
Quelles qualités faut-il posséder pour être chef de rang ?
J. G. : Pour être chef de rang, il faut être dynamique, perspicace, travailleur et ne pas rechigner à la tâche, car c’est quand même un métier physique. Surtout, il est important d’être souriant, aimable et poli.
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Qu’est-ce qui vous plaît dans ce métier ?
J. G. : Ce qui me plaît, c’est son dynamisme. Je ne me verrais pas travailler enfermée, seule dans un bureau. Dans la restauration, on rencontre plein de gens, on discute beaucoup et on a beaucoup d’interactions sociales. C’est un métier où l’on ne s’ennuie jamais : il y a toujours quelque chose à faire et on a le plaisir de donner un moment agréable, de faire passer un bon moment aux gens. C’est un grand bonheur de voir les clients repartir avec le sourire, quand ils sont arrivés après avoir passé une mauvaise journée.
’est aussi un métier fascinant pour ceux qui aiment voyager à l’étranger. Pendant les saisons, les salariés sont nourris, logés, blanchis et n’ont pas de frais du tout, ce qui permet de bien gagner sa vie !
Quels sont les inconvénients ?
J. G. : Les horaires et la charge de travail qui est très intense et stressante. Il faut avoir la tête sur les épaules et on nous met beaucoup de pression pendant le service qui est très condensé. Le travail d’un chef de rang n’est pas une journée de huit heures pendant laquelle tout va être à peu près lisse.
Au contraire, nous vivons un pic de stress pendant trois heures, puis trois heures plus calmes. Les autres contraintes du métier sont la charge physique, le fait d’être toujours debout et de marcher 20 kilomètres par jour, et le port de petites charges, comme les plateaux. Les gestes que l’on nous apprend lors du premier rendez-vous avec le médecin du travail, c’est de toujours bien plier les genoux, de garder le menton bien haut et le dos bien droit pour éviter les maladies du travail comme les troubles musculosquelettiques. Il faut faire très attention aussi quand on fait des événements ponctuels, par exemple des privatisations pour une entreprise ou un club de foot, car on va devoir faire beaucoup de manutention (déplacer les tables, les chaises, tout réorganiser).