
Plus d’une femme cadre sur deux (55 %) saisit l’opportunité de négocier son salaire lors de l’entretien d’embauche. Les hommes, eux, sont 61 % à le faire, selon la dernière étude de l’Association pour l’emploi des cadres (Apec). Et les femmes affichent des prétentions salariales inférieures de 15 % à celles des hommes. Une autre étude proposée par Indeed révèle que près de la moitié des femmes françaises n’ont jamais sollicité d’augmentation salariale au cours de leur carrière. Et si vous inversiez la tendance ?
55 % des femmes cadres saisissent l’opportunité de négocier leur salaire lors de l’entretien d’embauche, contre 61 % des hommes (étude de l’Apec)
Osez demander
Sentiment d’illégitimité, sujet tabou, manque de visibilité sur les salaires réels de son secteur et sur son métier… Si les experts s’accordent à dire que l’éducation genrée n’incite pas les femmes à exprimer leurs opinions et prétentions de manière claire et directe, le manque de préparation est aussi pointé du doigt. Lors du parcours scolaire et post-bac, rien n’est prévu non plus pour les jeunes diplômées qui déchantent dès leurs premiers entretiens. « Les femmes ont tendance à jouer la bonne élève attendant la juste récompense de leur travail. Or l’entreprise, ce n’est pas l’école ! Il faut oser demander ce que l’on estime valoir ! Pas de fausse modestie », rappelle dans Les Échos Laurence Dejouany, psychologue et auteure des Femmes au piège de la négociation salariale (éditions L’Harmattan).
Commencez donc par vous libérer de ces schémas sociétaux pour vous autoriser à vous « vendre » comme les hommes face à l’employeur. Et préparez-vous à négocier votre salaire en déterminant un plancher en dessous duquel vous ne descendrez pas. Cette étape fait partie de la préparation de tout entretien professionnel, que ce soit à l’embauche ou lors de l’évaluation annuelle.
Évaluez votre valeur sur le marché
Vous vous êtes entraînée telle une marathonienne en vue de cet entretien pour décrocher le poste de vos rêves ? Préparation aux questions, valorisation de vos expériences, illustrations percutantes de vos savoir-faire et qualités… Et vos prétentions salariales ? Accordez du temps pour évaluer votre profil : niveau d’études, compétences, expérience…
Des outils comme ceux du site Glassdoor permettent d’estimer la rémunération d’un salarié au profil similaire au vôtre.
De nombreuses enquêtes menées par France Travail et l’Apec vous renseigneront aussi sur les salaires en vigueur dans votre secteur. Libre à vous ensuite d’affiner vos recherches, en interrogeant des professionnels de votre réseau ou en contactant des salariés via les réseaux, tels LinkedIn, sur un poste proche de celui que vous visez.
Affichez des prétentions dans la fourchette haute
Comme dans toute négociation, soignez vos arguments en amont : faites le point sur vos projets réalisés, vos réussites et les moyens et ressources dont vous disposiez. Vous serez plus assurée et convaincue pour expliquer calmement vos prétentions. Et comme dans toute négociation, demander plus d’entrée de jeu est une règle d’or. A fortiori en début de carrière, mieux vaut intégrer l’entreprise en étant payée à un niveau élevé dès le départ, les écarts ayant tendance à augmenter au fil du temps. Attention cependant à la concurrence dans votre secteur : si elle est importante sur votre poste, le risque d’annoncer une somme trop élevée serait de voir votre candidature rejetée.
Selon vos années d’expérience, il vous faudra ajuster votre salaire. Il est admis jusqu’à sept ans d’expérience, de prétendre à 5 % supplémentaires par rapport au salaire de base. De sept à vingt-trois ans d’expérience, 20 % supplémentaires. Après vingt-trois ans d’expérience, l’employabilité se réduit, il faudrait viser 10 %. Ce sont de simples indicateurs : chaque recruteur ayant sa propre culture d’entreprise et politique de ressources humaines
Négociez… et négociez !
Préparez-vous comme dans toute négociation à contrer les objections de l’entreprise : « avec l’inflation », « vous êtes à temps partiel », « vous revenez de formation ». Reformulez vos arguments soigneusement affûtés : vos succès passés, vos réalisations clés et les objectifs que vous avez atteints. Cela prouve que vous méritez un salaire plus élevé. Votre interlocuteur mollit mais ne cède pas ? Ne vous sous-estimez pas : préparez des alternatives, comme une augmentation échelonnée dans le temps, et pensez aux autres leviers pour progresser dans l’entreprise – primes, intéressement, formations, avantages en nature…
Pour maîtriser l’art de la négociation, il peut être judicieux de s’y entraîner, à l’aide d’outils de simulation (voir ceux proposés par l’intelligence artificielle) ou simplement avec un ami : plus vous pratiquerez, plus vous vous sentirez légitime et sereine. Lancé à Nantes en 2017 par Audencia, le dispositif NegoTraining s’est décliné sur tout le territoire avec différents partenaires, dont l’Apec. Ces ateliers dédiés ont déjà permis à des milliers de femmes d’« oser demander leur juste rémunération ». « L’idée est que vous repartiez beaucoup plus à l’aise avec ce sujet qui peut être source de crispation », ont indiqué les consultantes de l’Apec au début d’un atelier de ce type à Tours. Les exercices de simulation pour se « vendre », par exemple le temps d’un voyage en ascenseur, sont très formateurs.
Ne cédez pas sans négocier les autres avantages
Les consultantes de l’Apec invitent à ne pas rester uniquement focalisées sur les salaires, qui sont « la pointe de l’iceberg ». Essayez de négocier les autres avantages de votre poste : télétravail, jours de congé, forfait mobilité, intéressement… Et ceux en nature : voiture, ordinateur, téléphone… Voire le titre du poste, par exemple directrice plutôt que responsable. Votre direction reste inflexible ? Ne cédez pas à la tentation d’être agressive. Demandez les raisons qui expliquent ces refus et évaluez avec elle à quel moment vous pourrez remettre ce sujet sur la table !
Car bien choisir son moment est également important : en entretien d’embauche, attendez que le recruteur l’aborde, souvent à la fin, et n’hésitez pas à l’évoquer si ce n’est pas le cas. Et en cours de carrière, n’attendez pas nécessairement l’entretien d’évaluation annuel. Sollicitez un rendez-vous à un moment où vous aurez rempli avec succès une mission, remporté un contrat… À vous de jouer !
Chiffres clés : des inégalités qui persistent
En France, à travail égal, les femmes sont payées 13,9 % de moins que les hommes.
Selon les enquêtes Apec, à postes et profils identiques, les hommes cadres gagnent en moyenne 6,9 % de plus que leurs homologues féminins.
Un écart qui ne se résorbe quasiment pas depuis 2015, date de la première enquête sur le sujet : il est passé de 8,5 % en 2015 à 7,1 % en 2019 et 6,9 % en 2024.
Selon une étude Indeed, 81 % des femmes françaises constatent un écart salarial. Et près des trois quarts d’entre elles jugent leur salaire insuffisant.