CV trop long, gare à la confusion !

Contrairement aux idées reçues, un CV très renseigné aurait tendance à nuire à la candidature, à encourager les raccourcis, les erreurs d’appréciation et les stéréotypes. Explications.

Jean Pralong

LinkedIn, X…, vous êtes nombreux à décliner votre CV sur les réseaux sociaux professionnels pour détailler votre profil et donner envie d’être rencontré. Expériences, compétences, recommandations, blog, liens, etc. La quantité d'informations mentionnées est exponentielle. Malheureusement, le temps imparti à leur consultation n’est pas infini pour le recruteur qui, au mieux, les lira partiellement, au pire, vivra l’exercice comme une contrainte.
 Ainsi en atteste une étude réalisée par Jean Pralong*, psychologue, professeur et chercheur en gestion des ressources humaines. Son objectif : comprendre ce qu’il se passe dans la tête d’un recruteur à la lecture de différents profils pour un même poste ; décrypter ses mécanismes de pensée, et en déduire les meilleures approches à adopter par le candidat afin d’optimiser sa présentation. 
Pour les besoins de l’expérience, 231 recruteurs ont été invités à juger des profils de candidats à un poste de comptable. Six types de profils leur ont été soumis, courts ou longs, vraisemblables ou illusoires. Les profils illusoires présentaient deux informations permettant d’activer des stéréotypes : la pratique des jeux vidéo et celle du football.

Privilégier un profil court, en lien étroit avec le poste ciblé

Dans le cas d’une information « courte », on constate que les recruteurs ont pris des décisions rationnelles. Ils ont repéré rapidement les compétences et sont parvenus à établir facilement un comparatif. Dans le cas d’un CV « long », les recruteurs ont déporté leur attention vers une ou deux informations saillantes, qu’ils ont eu tendance à considérer comme des révélateurs de tout le reste.

À retenir : face au trop-plein d’informations, les recruteurs ont tendance à « simplifier » votre CV à quelques données stéréotypées pour prendre une décision rapide.

Le loisir "jeux vidéo" a majoritairement été associé à une image d’isolement, de personne solitaire ou renfermée ; tandis que la pratique du football a dénoté un goût pour les équipes et l’extraversion : des traits supposés éloignés de l’image que le recruteur se fait du comptable ! Pour autant, ces stéréotypes auraient pu exercer une influence positive dans le cadre d’un autre poste ou d’un autre secteur professionnel.

Considérés comme « périphériques » par rapport aux éléments factuels de la candidature, ces informations sont à double tranchant : elles ont tendance à orienter de manière positive ou négative le recruteur, au détriment des informations « rationnelles » noyées dans la masse. Ces informations peuvent donc être à l’avantage du candidat, ou au contraire le discriminer par manque de clairvoyance ou « d’intuition » vis-à-vis du poste ciblé. Le candidat a cependant tout le loisir de les utiliser s’il les juge pertinentes, ou pour compenser un déficit de compétences qu’il ne souhaite pas mettre en avant.

3 QUESTIONS À JEAN PRALONG

Quels facteurs encouragent le recours aux stéréotypes ?
La profusion d’informations sur les réseaux sociaux ou sur un CV peut amener le recruteur à ne retenir qu’une petite partie du profil du candidat, par manque de temps et parce qu'on n’a en général pas la capacité de retenir tout un flot de données en même temps. Comme la mémoire vive d’un ordinateur, notre attention est limitée et peut vite arriver à saturation. Pour pallier ce déficit, nous utilisons inconsciemment des raccourcis de pensée qui permettent de simplifier notre analyse d’un environnement soumis à un trop-plein d’informations. Hélas, ces raccourcis sont parfois trop rapides ! C'est le cas des stéréotypes. Dans le cadre d’une candidature trop longue, le risque pour le recruteur est de retenir, malgré lui, des éléments qui desservent le postulant, créent des idées reçues ou limitent l’étude des compétences. 

Ajouter des informations périphériques ne peut-il pas représenter un atout ?
C’est de bonne guerre de la part des candidats de valoriser des acquis qui les aideront à passer le cap. Malheureusement, les moyens déployés pour « donner envie d’être rencontré » sont à double tranchant. En attirant l’attention via des moyens périphériques - un sport, un hobby, une donnée qui n’a pas de lien direct avec le poste ciblé -, on prend le risque d’être soumis à une appréciation a minima sélective, voire discriminante. Il est parfois préférable de s’abstenir.

Que préconisez-vous ?
À mon sens, il faudrait concevoir un profil qui ne comporte que les compétences strictement limitées à l’emploi à pourvoir : un support qui liste les expériences professionnelles du candidat et détaille les ressources à investir pour le poste. Pour aller plus loin dans le processus RH, on pourrait à l’avenir imaginer le recours à une instance neutre qui aurait la confiance à la fois du recruteur et du candidat. Pourquoi ? Parce qu’être candidat n’est pas un métier. Il faudrait que d’autres voix lui révèlent qui il est et attirent son attention sur les compétences dont il n’a peut-être pas conscience. Notre profession doit avancer sur cette question, celle de permettre à n’importe quel postulant d’être bon, même s’il n’est pas « performant » en tant que candidat.

France Travail est là pour vous aider à bien rédiger votre CV, pour mettre en avant les informations-clés et aider le recruteur à vite et bien cerner votre profil ! Un atelier dédié est disponible sur simple inscription.
Vous pouvez également y travailler en ligne grâce aux outils de l’Emploi Store comme B.A.-BA CV par exemple.

* Humanprotocolerror : quand l’abondance d’informations digitales provoque des erreurs de recrutement, par Jean Pralong, psychologue, professeur et chercheur en gestion des ressources humaines, directeur de la chaire Compétences, Employabilité et Décision RH à l’EM Normandie.