Revenir à l’emploi, après avoir été aidant

Vous avez été aidant ? Et vous aimeriez reprendre votre vie professionnelle après une parenthèse pour prendre soin d’un proche âgé, malade ou en situation de handicap ? Françoise Sariban, administratrice de l’Association française des Aidants, donne ses précieux conseils pour réussir votre retour à l’emploi.

Quel premier conseil donneriez-vous à un aidant qui souhaiterait revenir à l’emploi ?

Revenir à l’emploi, après avoir été aidant

Françoise Sariban : Il faut commencer par mettre des mots sur tout ce travail informel et invisible réalisé en tant qu’aidant. Ça n’est pas rien ! Et c’est délicat. Pour l’avoir moi-même vécu auprès de ma mère, accompagner un proche, c’est souvent un exercice d’équilibriste au quotidien, qui vous transforme. On développe des savoirs expérientiels, de nombreuses compétences techniques et humaines. À ce titre, l’Association française des Aidants propose une formation gratuite pour accompagner dans leur réflexion les aidants qui souhaitent revenir à l’emploi.
En complément, il est intéressant de réaliser un bilan de compétences, avec l’appui d’un conseiller France Travail ou de structures spécialisées comme les CIDFF (Centre d’information sur les droits des femmes et des familles). Cela permet d’identifier les compétences acquises avant et pendant la phase d’aidance, puis de les traduire en savoir-faire recherchés par les entreprises. C’est très positif pour la confiance en soi. On se rend compte, que ce qu’on a fait, ça a de la valeur !

Avez-vous des exemples de ces compétences que l’on développe en tant qu’aidant ?

F. S. : Pour permettre à un proche de vivre la meilleure vie possible, les aidants sont amenés à faire preuve d’organisation, de qualités relationnelles, d’adaptabilité ou encore de créativité pour trouver des solutions à des problèmes complexes.
Au quotidien, ils font appel à leur intelligence émotionnelle (face à des situations de souffrance comme la maladie, le handicap, le deuil…) et interagissent avec de nombreux acteurs : administration, professionnels de santé, proches…
Ils développent un sens aigu des responsabilités pour prendre des décisions parfois difficiles sur le plan médical, dans un quotidien en tension permanente.
Toutes ces ressources et capacités sont valorisables dans l’emploi. On pense souvent aux métiers du « care » et du social, qui demandent de grandes qualités humaines. Mais ces soft skills sont très transverses et être utiles dans un large spectre de métiers. Elles sont recherchées par de nombreux employeurs.

« Un aidant est en quelque sorte le chef d’une microentreprise. »

Encore faut-il savoir ce qu’on a envie de faire ?

F. S. : Effectivement. Une fois qu’on a fait le point sur ses compétences, vient une phase « réflexive » où l’on s’interroge sur ses aspirations professionnelles. Est-ce qu’on a envie de retrouver le même métier, le même secteur d’activité d’avant sa phase d’aidance ? Ou plutôt d’engager une reconversion ? Et le cas échéant, de se lancer dans une formation ? Se donner un objectif, se fixer un cap, identifier les leviers pour faire aboutir son projet professionnel, c’est essentiel pour retrouver de la confiance en soi. Vivre une phase d’aidance, intense sur le plan humain, influe sur le sens du projet que l’on entreprend. C’est une très belle aventure que de repartir vers l’emploi.

Dans un monde du travail où tout évolue très vite, l’enjeu est aussi de se remettre à la page…

F. S. : Oui. Tout à fait. Une mise à jour de ses connaissances est souvent nécessaire. Si on est resté en dehors de l’emploi pendant plusieurs années, on est parfois déconnecté des nouvelles façons de travailler et de communiquer. Il est important de se familiariser à des outils comme les réseaux sociaux Facebook ou LinkedIn et de mettre son CV en ligne. Cela peut aussi être l’occasion de réactiver ses réseaux professionnels et de se créer de nouvelles opportunités. Pôle emploi, les maisons de l’emploi et de nombreuses associations locales comme Solidarités nouvelles face au chômage (SNC) ou le Café Contact emploi proposent des ateliers sur ces sujets.

Et justement du côté du CV, comment gérer les « périodes creuses » ?

F. S. : Il faut être complètement transparent sur son CV et y mentionner toutes les tâches et activités que l’on a réalisées durant sa phase d’aidance. Accompagner un proche malade ou en situation de handicap, c’est tout sauf une période creuse ! Quelque part quand on devient aidant, on devient « le chef d’une microentreprise ». Au quotidien, on gère une organisation, des tâches administratives, des stocks de médicaments, un budget, on doit multiplier les prises d’initiatives… Toutes ces compétences peuvent être re-exploitées dans le monde du travail.
Au sein de l’Association française des Aidants, où nous sensibilisons activement les entreprises, nous le constatons : le regard des employeurs sur les aidants a changé ces dernières années. Ils savent mieux qui les aidants sont et que tout à chacun peut être amené dans sa vie à le devenir un jour.

8,3 millions
c’est le nombre d’aidants en France

Sources : DREES

L’employabilité des aidants à l’étude
L’Association française des Aidants, AG2R et le Cercle Vulnérabilités et Société ont réalisé une étude sur l’accès à l’emploi des aidants. Riche d’enseignements, cette investigation permet de mieux cerner les capacités et expertises mobilisées par les aidants et leur potentiel de valorisation dans l’univers professionnel, et ce dans tous les secteurs d’activité.