Qu’est-ce que la RSE ?
Aurélie Stewart : La RSE, c’est la prise en compte des sphères économiques, sociétales et environnementales dans l’activité des entreprises. La personne en charge de la RSE doit trouver l’équilibre entre ces différentes sphères, avec une approche qui permet d’analyser les risques et bénéfices dans chacune d’entre elles ; et plus uniquement dans la sphère économique comme c’était le cas auparavant. La RSE apporte un nouvel éclairage sur les activités classiques de l’entreprise en faisant apparaitre de nouveaux domaines d’actions et champs d’impacts possibles.
C’est un métier assez récent. Pour ma part, j’ai une formation d’ingénieur agronome, profession que j’ai exercée pendant 10 ans en marketing, R&D, business développement… Ce n’est qu’à partir de 2011 que j’ai complété mes missions de manière progressive avec un angle RSE, ou développement durable. Depuis 2016, 100 % de mon activité professionnelle est dédiée à la RSE. Tout simplement parce que ces métiers n’existaient pas auparavant. Il s’agissait au départ de missions ou de fonctions supplémentaires qui étaient attribuées à des collaborateurs de l’entreprise. Ce sont des professions à part entière depuis une dizaine d’années seulement. Aujourd’hui, la RSE comprend les métiers de : l’expertise carbone, le reporting, la certification, ou encore la gestion de projet opérationnelle RSE…
Des parcours de formation spécifiques existent désormais dans plusieurs écoles qui proposent des masters en Développement durable, par exemple. Il y a aussi des écoles spécialisées comme l’Institut supérieur de l’environnement (ISE) ou l’École des nouveaux métiers de la transition écologique. Les emplois liés à la RSE sont également accessibles en reconversion. Actuellement, j’accueille une alternante, qui a déjà un parcours professionnel d’une quinzaine d’années derrière elle, et qui suit un master 2 dans le cadre d’une reconversion.
Qu’est-ce qui vous plaît dans votre métier ?
A.S. : Un volet fondamental de ma mission repose sur ma capacité à traduire les enjeux du développement durable. Je m’adresse à tous les collaborateurs de l’entreprise, qui ne sont pas experts en climat ou en carbone. Je dois donc traduire mes enjeux d’expertise RSE en langage d’expertise opérationnelle. Par exemple, si je veux sensibiliser sur les émissions carbone, je vais plutôt insister sur leurs expressions concrètes quotidiennes : tonne de déchets, kilowatts/heure consommés… Je dois donc me mouler dans leur activité, adopter leur langage, pour transmettre et travailler avec eux les enjeux RSE. Cela vaut pour le bilan carbone, mais aussi pour tout ce qui concerne les obligations réglementaires, qui sont souvent peu accessibles. Il faut donc les rendre compréhensibles et les mettre en perspective, afin qu’elles ne soient pas vécues comme un frein à l’activité mais plutôt perçues comme une opportunité d’innovation.
Ce qui me plaît avant tout, c’est cette transversalité du métier et la nécessité d’être à la fois « couteau-suisse » et multi-langues. Je dois savoir m’adresser à la production, au marketing, au commercial, à la direction, au juridique, au contrôle de gestion… Mais je dois en même temps savoir m’adresser à mes pairs sur des sujets d’expertise. L’aspect humain est donc aussi fondamental. Pour que les collaborateurs acceptent vraiment ce nouvel éclairage sur leur activité quotidienne, il faut faire preuve de conviction et de savoir-faire. On peut difficilement faire de la RSE derrière un écran, on est forcément en contact avec l’humain.
Notre plus grand défi est d’être acceptés comme de véritables business partners (partenaires commerciaux) de l’entreprise. Nous générons de la valeur, nous ne devons pas être perçus comme étant des freins à l’activité, mais plutôt comme une source d’opportunités et d’innovation. C’est un vrai défi, car cela ne dépend pas que de nous.
Quelles sont les compétences nécessaires pour exercer ce métier ?
A.S. : Il faut savoir être stratège et tactique, tout en étant diplomate. Pour se mouler dans une grande diversité de métiers, nous devons faire preuve d’une très bonne capacité d’écoute et d’analyse, et pour savoir parler à tous, posséder une grande faculté d’adaptation, être accessible et bon communicant. Les métiers liés au bilan carbone ou au reporting demandent une grande rigueur et d’être à la pointe en matière de veille, sur les normes légales notamment.
Être résiliant et persévérant sont aussi des qualités nécessaires pour savoir encaisser les échecs et les refus. Car parfois, les portes restent fermées ou l’arbitrage n’est pas en notre faveur. Savoir rebondir, aller chercher de nouveaux alliés et faire preuve d’une grande ténacité est donc essentiel. On doit également être capable de se projeter dans un temps long, qui n’est souvent pas celui de l’entreprise. Il très important aussi à mon sens de savoir s’entourer, notamment de ses pairs. Bien que notre activité soit transversale, nous sommes souvent seuls dans l’entreprise et l’éco-anxiété fait partie de notre quotidien. Aussi, j’appartiens au Collège des Directeurs du développement durable (le C3D), un collectif qui apporte un soutien fondamental et représente une soupape indispensable de partage et d’échange avec mes pairs.
Enfin, je me forme aussi de façon continue grâce à des MOOCs en ligne. Il en existe plusieurs, qui sont gratuits et/ou certifiants. Si des demandeurs d’emploi souhaitent explorer le sujet pour savoir si ce secteur pourrait leur convenir, je leur conseille vivement le MOOC publié par le C3D. Il porte sur les enjeux du changement climatique. Il est très accessible et peut être un bon moyen de se tester, de vérifier si l’on a de l’appétence pour le sujet et de mettre le pied à l’étrier. Il permet aussi de créer une bonne sensibilisation citoyenne.