Et si les affinités et les compétences transversales avec un autre secteur d’activité étaient la clé d’une reconversion réussie ? C’est le pari fait par des territoires pilotes, qui se sont emparés de nouveaux dispositifs visant à accompagner entreprises et salariés face aux mutations économiques. Impact de la crise sanitaire, restructuration, plan de sauvegarde, disparition progressive d’un métier spécifique…, quelle que soit la raison poussant à la perte d’emploi, rebondir peut aujourd’hui mieux s’anticiper, sans passer par une période de chômage.
Contrats passerelles : cap sur l’insertion durable
Parmi les mesures phare du Pacte d’ambition pour l'inclusion dans l'emploi par l'activité économique (IAE) expérimentées cette année, les contrats passerelles ciblent en premier lieu les personnes les plus fragiles. Le dispositif favorise l’employabilité d’un salarié en fin de parcours d’insertion dans une entreprise de droit commun, sécurise la période de transition professionnelle et milite pour l’emploi durable, notamment en CDI.
L’idée ? Accroître les opportunités et les rencontres professionnelles en fin de parcours, depuis une entreprise d’insertion (EI) ou un atelier/chantier d’insertion (ACI). Ces structures pourront permettre à une personne en insertion d’intégrer une entreprise (autre qu’une structure d’insertion par l’activité économique, SIAE) sous contrat passerelle, limité à six mois et renouvelable une fois. Durant ce laps de temps, la personne reste salariée de la SIAE, laquelle se fait rembourser le salaire et les charges afférentes par l’entreprise partenaire. La durée de parcours est automatiquement adaptée si l’échéance du contrat passerelle dépasse 24 mois de durée de parcours. Si l’expérience ne s’avérait pas concluante, la personne en insertion peut réintégrer la SIAE. Objectif à terme : l’accès au CDI à 5 000 salariés en insertion par an.
Transitions collectives : la reconversion agile
Si cette période inédite a été l’occasion, pour certains d’entre vous, de réfléchir à un autre métier, d’ouvrir son horizon professionnel ou de réfléchir à une voie plus sécurisée, le nouveau dispositif de formation « transitions collectives » déployé dans le cadre de France relance devrait vous faciliter la tâche. Son objectif : encourager la reconversion dans une autre branche d’activité, comme le médico-social, le BTP, la silver économie…, ou tout autre secteur identifié comme porteur ou en tension dans votre bassin de vie et d’emploi. « Transco », qui s’adresse en priorité aux salariés dont l’emploi est menacé, permet à votre entreprise de départ et celle d’arrivée d’enclencher une période de formation certifiante nécessaire à l’acquis de compétences pour votre futur emploi. Basé sur le volontariat, ce pont entre deux métiers vous évite de passer par la recherche d’emploi ; et vous permet d’être rémunéré de bout en bout du processus.
À qui s’adresse transitions collectives ?
Ce dispositif est destiné aux salariés dont les emplois sont menacés, partout en France, et qui décident de s’orienter vers un secteur/métier porteur dans leur territoire, à échelle locale/régionale, ou un métier dans un secteur en manque de main-d’œuvre.
Comment se déroule la démarche ?
Pour profiter de cette formation, vous devez être volontaire. Une fois l’accord de l’entreprise obtenu et la démarche enclenchée auprès des ressources humaines, vous êtes accompagné par un conseiller en évolution professionnelle, qui vous informera, vous orientera et vous appuiera dans la définition et la construction de votre parcours de reconversion, vers un métier porteur de votre bassin de vie. Le ministère du Travail travaille actuellement à la mise en place de plateformes territoriales de transitions professionnelles, déjà présentes dans certains territoires. Leur objectif : être la passerelle entre les entreprises partenaires (qui ont besoin de reconvertir leurs salariés) et les entreprises qui recrutent.
Combien de temps dure la formation ?
La formation certifiante (diplôme d’État) peut s’étendre jusqu’à 24 mois. À échéance, elle vous permettra d’être recruté par une entreprise de votre territoire. Une fois la formation achevée, votre contrat sera rompu pour rejoindre un nouvel employeur. Durant votre formation, vous bénéficierez d’un congé de mobilité ou de reclassement allongé.Suis-je rémunéré ? Vous continuez à être rémunéré durant le temps de votre formation. Le financement est pris en charge partiellement ou totalement par l’État : 100 % pour les entreprises employant jusqu’à 300 salariés ; 75 % pour les entreprises de 300 à 1 000 salariés ; 40 % pour les entreprises de plus de 1 000 salariés. Dans ces deux derniers cas, la part restante est prise en charge par l’entreprise de départ ou celle d’arrivée, selon les modalités de négociation.J’ai fini ma formation.
Et après ?
Plusieurs options s’offrent à vous. Soit vous réintégrez votre poste ou un poste équivalent dans votre entreprise d’origine, soit vous vous orientez vers le métier ou secteur professionnel lié à votre reconversion, selon les modalités de rupture du contrat de travail existantes. Les plateformes de transitions professionnelles auront un rôle à jouer pour vous connecter avec votre futur employeur.
La parole à Sophie Boissard, directrice générale du groupe Korian
« Transco/passerelles offre un très bon exemple de collaboration interentreprises »
Quels sont les besoins du groupe Korian aujourd’hui ?
Depuis plusieurs années, nous œuvrons à la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences professionnelles. Aujourd’hui, nous employons 57 000 personnes à travers l’Europe, essentiellement des soignants (82 % de femmes) et toutes les professions qui concourent à la prise en charge, l’accompagnement des personnes fragiles, patients chroniques ou personnes âgées. Face à l’accroissement des besoins, l’enjeu est d’être capable de former les équipes compétentes qui nous rejoignent chaque année, soit l’équivalent de 11 000 personnes en Europe, dont 5 000 en France.
Quel a été le catalyseur de votre expérience des « Transco » ?
En plus des dispositifs de validation des acquis de l’expérience (VAE) et d’apprentissage, nous avons réalisé qu’il existait des salariés expérimentés dans d’autres branches professionnelles des métiers d’interaction qui font appel à l’intelligence émotionnelle, à la maturité, au savoir-être… et qui se prêtent très bien à une deuxième partie de carrière. Nous nous sommes orientés vers un système de reconversion qui permet d’aller chercher des salariés dans d’autres secteurs, à condition qu’ils obtiennent un diplôme d’Etat. C’est le dispositif « passerelles ».
Comment se déroule la transition, concrètement ?
La mobilisation du fonds de formation professionnelle par le Gouvernement a contribué à la prise en charge d’une partie du salaire des employés évoluant dans des branches en décroissance, lesquels peuvent conserver leur CDI et être rémunérés. Ils arrivent chez nous comme le ferait une personne en alternance, sont mis en situation et passent une semaine par mois à se former dans un institut/établissement partenaire pour acquérir l’ensemble des connaissances, y compris théoriques. À l’issue de leur formation, ils passent devant un jury, comme dans le cas d’une VAE (Validation des acquis de l’expérience), afin de justifier de leurs compétences, puis décrochent leur sésame : un CDI chez Korian avec un salaire de départ à 1 906 euros bruts. Cette année, après 14 mois de formation, 200 salariés en reconversion nous auront rejoints, ajoutés aux 500 apprentis et 500 salariés en VAE.
L’expérience est-elle vouée à être pérennisée ?
Le cadre est posé et d’autres entreprises se disent prêtes à franchir le pas grâce aux « transitions collectives » lancées par la ministre du Travail. Les premiers salariés intégrés sont actuellement en phase découverte. Ils seront à brève échéance accueillis en clinique ou maison de retraite à la rencontre de leur tuteur, rôle pour lequel nos employés ont été formés spécialement. Nous sommes très attentifs à l’évolution du dispositif qui offre un très bon exemple de collaboration interentreprises, de travail en bonne intelligence entre acteurs publics et acteurs économiques, pour co-construire des parcours bénéficiant à tous.