Recruteur mystère : une nouvelle approche pour attirer les talents

Recruter dans un secteur sous tension relève souvent du défi, surtout quand les candidats ne se bousculent pas au portillon. Pour répondre à cette réalité, France Travail propose aux employeurs une approche inédite : cultiver le mystère pour susciter la curiosité des candidats. Une stratégie audacieuse, qui a permis à une entreprise d’aide à la personne d’embaucher de nouveaux collaborateurs. Zoom sur l’initiative du « recruteur mystère ». 

« Vous appréciez le travail en autonomie ? Vous cherchez une activité dynamique ? Vous aimez le contact humain ? Vous détenez le permis de conduire ? Alors venez rencontrer l’employeur mystère. » Voilà comment Nadège Ellebood, conseillère entreprise de l’Agence France Travail Noeux-les-Mines a décidé d’attirer des demandeurs d’emploi pour l’entreprise Azaé, société nationale de services d’aide à la personne.

lsa Delecroix, chargée de recrutement avait beau déposer des annonces, faire le tour des forums, des missions locales, communiquer sur les réseaux et autres plateformes de dépôt d’offres, elle recevait très peu de candidatures et ne trouvait pas de profils adéquats. « On a la responsabilité d’êtres humains, la plupart fragiles, donc on ne peut pas recruter n’importe qui. En parallèle, ces métiers n’ont pas bonne presse, parce que bien qu'ils soient très valorisants, ils demeurent exigeants, avec des horaires contraignants. », se confie-t-elle. Confrontée aux difficultés de recrutement pour des postes d'auxiliaires de vie et d'aides ménagères à domicile et après avoir constaté l’échec des méthodes traditionnelles, Madame Ellebood lui a conseillé de se tourner vers une approche de recrutement atypique : le recruteur mystère. 

L’employeur mystère, une méthode novatrice de recrutement

La proposition est simple : organiser un job-dating basé sur les savoir-être, sans dévoiler l'identité de l'employeur ou la nature précise des postes à pourvoir. Ainsi, les candidats s’inscrivent à une session de recrutement sans connaître l’employeur à l’avance. Seuls les pré-requis du poste sont annoncés : pour Azaé, « les appétences spécifiques - travail en autonomie, activité dynamique, et contact humain – ont été communiquées, mais nous avons délibérément laissé le secteur d'activité dans le flou pour attirer une variété de candidats. », explique la conseillère.

Cette approche mystérieuse est également destinée à contrer les préjugés potentiels des conseillers de placement qui accompagnent les demandeurs d'emploi : « En écoutant les collègues parler, j’ai fait le constat qu’ils jugeaient à la place des demandeurs d’emploi. On n'a rien voulu leur dire pour ne pas fausser leur positionnement. Nous avons donc gardé l'identité du secteur confidentiel jusqu'au dernier moment. » 

Un premier test réussi

L’événement de job-dating a été ouvert sur la plateforme « Mes Evènements Emploi », un outil accessible à tous les demandeurs d’emploi, qui leur permet de trouver des sessions de recrutement autour de chez eux. Sur les 40 places disponibles, 34 candidats se sont positionnés, dont 23 femmes et 11 hommes, curieux de savoir quel poste se cachait derrière l’annonce de France Travail. Le jour J, 16 candidats étaient présents. La révélation du secteur en question s’est faite à travers une vidéo. « On pense toujours que service à la personne, c'est faire la toilette aux personnes âgées. Mais à travers la vidéo, on découvre l’humanité qu’il faut pour travailler sur ce secteur d’activité. Personne n’est pas à l’abri d’un accident. On peut très bien accompagner des séniors mais aussi des jeunes ou des enfants » détaille Mme Ellebood. 

Une fois la vidéo terminée, les candidats se sont exprimés sur ce qu’ils venaient de voir et ce qu’ils en pensaient.  « Forcément certains étaient toujours réticents, mais beaucoup étaient émus », se remémore Madame Ellebood. Présente dans la salle, Elsa Delecroix a pu rebondir sur les réactions des candidats et répondre directement aux objections et aux idées reçues sur le métier. « Quand je me présente en tant que chargée de recrutement à l’aide à la personne, certains visages se ferment. Le but du jeu, c’est de lever les freins, positiver le métier sans vendre de rêve. » Suite à la présentation de son entreprise, les postes à pourvoir et la possibilité d’effectuer des immersions pour se former, 10 candidats ont laissé leur CV. Des immersions ont été mises en place, et l'initiative a permis de recruter deux candidats qui, initialement, ne se seraient pas tournés vers ce secteur, mais qui ont finalement trouvé le poste intéressant. 

L’atout du recruteur mystère pour les candidats et les employeurs 

Pour Nadège Ellebood, le recrutement mystère a constitué un véritable défi, mais les résultats ont largement dépassé ses attentes. «Même si on n'a pas eu un retour à l'emploi à 100%, le fait d’attirer des candidats vers un secteur en tension et les convaincre de s’y engager est une réussite » se réjouit-elle. Forte de ce succès, France Travail a réitéré l'expérience dans les agences de Lillers et Lens, avec d’autres entreprises qui ont elles aussi trouvé la technique attirante. 

Côté candidat, la technique de recrutement a plu à 100 % : « Le fait de ne pas connaître le secteur m’a attiré. C’était l’opportunité de découvrir un domaine et des métiers auxquels je n’avais pas pensé. » Pour d’autres, « Il n’y a pas de secteur rédhibitoire, c’est plutôt le poste et ses contraintes qui orientent mon choix. » 

Et pour les employeurs ? Mme Delecroix partage son enthousiasme : « Le recrutement mystère a fonctionné du feu de Dieu. C’est une nouvelle fenêtre du recrutement, où on échange un peu les rôles. On aborde le candidat d’une autre façon, il n’y a pas de barrière comme dans un job dating ou un forum classique où les candidats sont souvent stressés ou anxieux. Là, c’est l’employeur qui se présente et va chercher les candidats, ce qui crée un lien plus fort », explique-t-elle. Par le biais de cette méthode, elle a ainsi pu accéder à des profils différents de ceux qu’elle trouvait habituellement lors d'un job dating classique, et défendre les valeurs et la culture de son entreprise face aux candidats présents.  Les approches traditionnelles, comme le fait de recruter depuis un bureau avec des rendez-vous fixes, ne suffisent plus. Il est désormais essentiel d'explorer de nouvelles techniques pour attirer les candidats.« La clé de la réussite c'est aussi cela, voir que le recrutement évolue et être ouvert à de nouvelles méthodes » ajoute Mme Ellebood. Alors, prêts à cultiver le mystère ? 

Exergues 

« Quand je me présente en tant que chargée de recrutement à l’aide à la personne, certains visages se ferment. Le but du jeu, c’est de lever les freins, positiver le métier sans vendre de rêve ... On aborde le candidat d’une autre façon, il n’y a pas de barrière comme dans un job dating ou un forum classique où les candidats sont souvent stressés ou anxieux. Là, c’est l’employeur qui se présente et va chercher les candidats, ce qui forcément crée un lien plus fort. »
Mme Elsa Delecroix chargée de recrutement pour l’entreprise Azaé 

« La clé de cette réussite est là aussi, voir que le recrutement évolue et être prêt à tester d’autres méthodes »
 
Mme Nadège Ellebood, conseillère entreprise de l’Agence France Travail Noeux-les-Mines