Dans le Doubs comme ailleurs, les pénuries de candidats fragilisent les recrutements. « Depuis deux ans, on sent qu’il y a un public qui, par manque de confiance, s'investit moins dans l’emploi », analyse Isabelle Bouquard, responsable insertion et accompagnement social du groupe Profession Sport Loisirs (PSL). Pour répondre à cette problématique, l’agence France Travail Besançon Temis a choisi de tester une approche originale : faire rencontrer employeurs et demandeurs d’emploi au sein du Musée des Beaux-Arts et d’Archéologie de Besançon. Déjà mis en place dans les Hauts-de-France, le dispositif “L’art d’accéder à l’emploi” a été remanié pour répondre aux problématiques locales. « Au départ, cela ciblait des cadres. Nous avons préféré viser un public éloigné de l’emploi », souligne Xavier Ethalon, conseiller France Travail en insertion professionnelle.
Photo : France Travail Bourgogne-Franche-Comté
Un rendez-vous au musée pour recruter
Pour ce projet nommé “L’art de convaincre”, sept demandeurs d’emploi ont été invités, à la fois en agence et au musée, à préparer un exercice de présentation lors de plusieurs séances. « Ils devaient choisir une œuvre d’art et rechercher des informations sur celle-ci pour concevoir une courte interview journalistique en binôme », résume Nathalie Zotti, conseillère France Travail. Un exercice qui nécessitait un travail de synthèse, d’argumentation, et de prise de parole en public face à une dizaine d’employeurs locaux.
Si le choix d’un musée peut paraître atypique, il était en parfaite adéquation avec l’objectif du dispositif, qui visait à atteindre des personnes éloignées de l’emploi, ainsi que du milieu artistique et culturel. « L’idée, c’était d’utiliser l’art pour provoquer une rencontre et de rendre le musée accessible à des personnes qui n’y étaient quasiment jamais allées », explique Xavier Ethalon.
Afin de proposer un choix d’entreprises pertinentes, France Travail s'est appuyé sur les recherches de métiers des candidats, mais pas seulement. « Des professionnels du musée sont venus présenter leurs métiers dont la diversité en a surpris plus d’un : comptable ; ébéniste ; responsable de librairie ; agent de maintenance ; etc. », énumère la conseillère. Au-delà d’un lieu culturel, le musée s’est aussi fait connaître comme une entreprise.
Isabelle Bouquard, responsable insertion et accompagnement social du groupe Profession Sport Loisirs (PSL).
Miser sur la confiance et les savoir-être
En s’appuyant sur un exercice oral, le but était de permettre aux candidats de mettre en valeur des compétences qu’ils peuvent parfois sous-estimer. « Cela a fait ressortir des savoir-être et leur a offert un vrai gain de confiance par rapport à un schéma de recrutement classique », constate Isabelle Bouquard. Malgré sa frilosité de départ, elle s’est laissée convaincre et a retenu trois profils sur les sept, dont un a eu une proposition de poste.
Le maître mot de ce projet était donc de redonner confiance à des candidats peu sûrs d’eux ou encore intimidés par le monde du travail. « L’art a servi de vecteur de communication pour permettre à des candidats d’exprimer leur motivation à des employeurs mais aussi de laisser de côté le stress d’un entretien classique », souligne Nathalie Zotti. Aussi, la prise de confiance est passée par une inversion des rôles le temps d’une journée. « Avant de présenter leurs œuvres, les candidats ont conçu un quiz autour du musée à destination des employeurs. C’était un moyen efficace de détendre l’atmosphère face à eux »,
Un dispositif qui sort du cadre habituel
Pour les employeurs, l'expérience a aussi permis de sortir des sentiers battus et de découvrir des compétences insoupçonnées chez les candidats. « C’était un exercice intéressant. Si j’avais rencontré les candidats en job dating, un CV à la main, je n’aurais jamais vu la même prestation, assure Isabelle Bouquard. C’est un outil dont je me servirais volontiers sur tout ce qui concerne la communication orale, les soft skills et savoir-être. »
« Emmener ce projet dans un musée, c’était faire en sorte que recruteurs et demandeurs d’emploi se rencontrent dans un lieu qui ne leur était pas familier », insiste Xavier Ethalon. « Sortir de l’entretien classique et des bureaux leur a permis de créer un lien de confiance », ajoute Nathalie Zotti. Ce rapprochement, c’est justement ce qui a poussé la responsable insertion et accompagnement social du groupe PSL à se diriger vers certains candidats.
En plus d’avoir sorti le recrutement de son cadre habituel, le dispositif s’est écarté du CV afin de rendre les échanges plus naturels et ainsi inciter les recruteurs à voir les candidats au-delà d’un simple résumé de parcours. Un objectif qui a été largement atteint. « Des employeurs ont parlé avec des candidats qui n’étaient pas dans la branche professionnelle sélectionnée, et vice-versa », s’étonne la conseillère.
Un pari réussi pour l’équipe France Travail et le musée. « Les candidats ont apprécié le travail en équipe et le temps d’échange avec les recruteurs, et ceux-ci les ont découverts sous un autre jour, s’enthousiasme le conseiller. Certains employeurs ont même reconnu ne pas pouvoir faire ce que les candidats avaient accompli sur ce projet. »